mercredi 24 juillet 2013

La différence entre la gauche et la droite



Comme vous le savez peut-être, la gauche et la droite, en tant que termes politiques, sont des concepts relatifs qui existent depuis la Révolution française et la répartition des députés dans l'hémicycle par rapport à la question du veto royal. Cependant, ils sont préfigurés par d'autres clivages similaires dans d'autres pays et à d'autres époques : par exemple, l'opposition entre Whigs (libéraux) et Tories(conservateurs) dans la Grande-Bretagne du XVIIIème siècle, ou encore, bien plus ancien, le clivage qui opposait, au sein de la République romaine, les Populares (populistes agraires, en faveur de la redistribution des terres, du bien-être de la plèbe et de l'extension de la citoyenneté) aux Optimates(aristocrates conservateurs qui défendaient les pouvoirs du Sénat). Il faut savoir toutefois qu'il ne s'agissait pas de partis politiques organisés au sens moderne, et qu'il n'y avait pas de réelle idéologie développée au-delà de ce que le public voyait comme des points des rapprochements ou la source de leur pouvoir (peuple ou aristocratie). Cependant, cela était aussi le cas pendant longtemps au XIXème siècle dans de nombreux pays avant que n'émergent les partis politiques modernes.

Les évolutions historiques du clivage droite/gauche (monarchie contre républiqueEglise contre Etat,patrons contre ouvriers) font apparaître la gauche et la droite comme des concepts relatifs, comparables au Yin et au Yang de la philosophie chinoise : deux principes qui regroupent un grand nombre d'idées et de contrastes disparates et apparemment sans rapport, mais derrière lesquels on voit des éléments communs.

Mais revenons à ce qui nous préoccupe, à savoir, quelle est donc la différence entre la gauche et la droite ? Beaucoup d'auteurs ont tenté de la dégager, avec plus ou moins de succès. Je vais m'en tenir, pour des raisons de commodité, à la vision de Norberto Bobbio, pour qui la gauche, par rapport à la droite, est caractérisée par un plus grand attachement à la notion d'égalité.

Mais dans ce cas, qu'est-ce qui explique cette différence ? Il existe une explication simple, à mon sens.

En effet, toute société jusqu'à nos jours est traversée par des inégalités de pouvoir, et on peut voir la différence entre la gauche et la droite comme quelque chose qui émerge, en termes de différences d'attitudes, par rapport à ces inégalités au sein de la société. En gros, la droite va défendre l'idée que les inégalités de pouvoir, en général, sont justifiées, tandis que la gauche va défendre l'idée qu'elles ne le sont pas, qu'elles sont propres à un état des lieux donné.

Par ailleurs, l'existence du mal - ou de ce qui fait que l'homme semble parfois être vicieux, égoïste, agressif, lâche, paresseux, replié sur ses proches ou rempli de préjugés - ne peut être expliquée que si au moins l'un des deux entre la société et l'individu a une tendance à être mauvais, ou du moins à favoriser ou à privilégier ce tempérament. La droite va plutôt dire que c'est l'individu qui tend à être mauvais, la gauche que c'est la société.

Ces différences d'attitudes sont elles-même issues de différences en termes de visions du monde. Pour simplifier outrageusement, la droite voit le monde et pense qu'il est ce qu'il doit être et qu'il doit être ce qu'il est, tandis que la gauche voit le monde et pense qu'il n'est pas ce qu'il doit être et qu'il ne doit pas être ce qu'il est.

Ce n'est pas totalement faux : il existe des différences de statut social, mais aussi de traits psychologiques entre les individus de droite et de gauche. Ainsi, en règle générale, les gens de droite sont plus conventionnels et traditionnels, voire autoritaires, avec une plus forte tendance à ressentir de la peur, de la méfiance, de l'agressivité ou du dégoût, mais sont aussi consciencieux et dotés d'une meilleure confiance en eux ; à l'inverse, les gens de gauche sont plus ouverts d'esprit, plus intellectuels, avec une plus grande complexité de pensée, mais aussi rêveurs, ont davantage tendance à se plaindre et ont une vision plus pessimiste du monde tel qu'il est.

Ceci nous permet de réaliser davantage la différence entre la gauche et la droite en termes de vision du monde.

D'un côté, l'individu de droite tend à se fier à la perception directe qu'il/elle a du monde et en particulier, si l'homme est mauvais, c'est qu'il est intrinsèquement mauvais. La droite combine une vision hiérarchique du monde avec une conception "pessimiste" de l'homme. Elle considère les hiérarchies existantes comme des points de repère. Sa vision hiérarchique du monde consiste à penser plutôt que tous les individus et/ou toutes les attitudes ne se valent pas, et qu'il faut favoriser les "bonnes" attitudes et s'appuyer sur les individus qui valent le mieux et les laisser diriger la société dans l'intérêt de tous - en effet, si l'on donne la même chose à deux individus qui valent différemment, on commet une injustice. De plus, la nature humaine est stable et ses différences entre individus sont naturelles, ce qui permet également de justifier les hiérarchies existantes. Ainsi, pour toutes ces raisons, selon la droite, l'ordre établi tend à refléter la vérité des choses. C'est pourquoi l'ordre public, le bon fonctionnement de l'économie et de la société, le respect des traditions et/ou des valeurs dominantes, sont ce qui a le plus de valeur pour l'homme ou la femme de droite. C'est à l'individu, d'autant plus s'il occupe une position inférieure, de s'adapter à la société et non l'inverse.

La gauche est exactement le miroir de la droite. L'individu de gauche essaie - généreusement, mais parfois dangereusement - d'aller au-delà de sa perception directe du monde ; en particulier, si l'homme est mauvais, il/elle va s'intéresser au contexte et penser que la société, directement ou non, ne lui a pas donné ce qu'il méritait. La gauche tire de cela une vision égalitaire du monde et une conception "optimiste" de l'homme. La gauche a plutôt tendance à penser que tous les individus, par delà leurs différences, valent la même chose (et peut aussi parfois donner l'impression de penser que toutes les attitudes se valent) ; il faut donc redistribuer les richesses et les pouvoirs en conséquence - en effet, si l'on ne donne pas la même chose à deux individus de même mérite, on commet une injustice. La nature humaine n'est pas stable, mais en grande partie façonnée par la société, au fond elle est plutôt homogène et les hiérarchies ne sont donc pas toujours justifiées. Au contraire, celles-ci peuvent volontiers être remises en question, l'ordre établi devenant en grande partie arbitraire et contingent. La recherche de l'égalité, de la justice sociale et de la lutte pour la raison (par opposition aux peurs irrationnelles), contre l'oppression et les préjugés, est ce qui motive l'homme ou la femme de gauche. Dans la mesure du possible, ce devrait être à la société de s'adapter aux individus, en particulier ceux dont la position est la plus basse, plutôt que l'inverse.

On le voit, la gauche et la droite diffèrent (partiellement, cela change selon les époques) d'une part concernant les problèmes qu'elles reconnaissent, et d'autre part concernant la façon de combattre ces problèmes.
En fait, la gauche et la droite (et même l'ensemble de l'échiquier politique, du centre aux extrêmes) sont beaucoup plus similaires qu'on ne pourrait le penser, concernant ce qu'elles considèrent comme des problèmes, sinon elles ne pourraient pas en débattre ; il faut qu'il y ait des points de consensus. La droite ne peut décemment pas se satisfaire de la misère, d'inégalités trop importantes, de la haine, de la peur ou d'états d'esprit rétrogrades, s'ils menacent l'ordre ou la cohésion de la société, de même que la gauche ne peut raisonnablement pas se contenter du chaos, du gaspillage, de la médiocrité, de la fin de la production ou du meurtre du passé, s'ils sont un obstacle à l'égalité, à la justice ou au progrès. On remarque un paradoxe : la gauche et la droite adhèrent à des valeurs opposées et partiellement incompatibles, mais en même temps, pour chaque camp, défendre ses propres valeurs signifie aussi, indirectement, défendre celles de l'autre, mais à un degré moindre.

La différence principale se situe donc dans la façon de combattre les problèmes sociaux.

La droite, qui pense que c'est à l'individu de s'adapter à la société, en prenant appui sur sa vision "pessimiste" de l'homme, va faire appel à la responsabilité individuelle. Elle va chercher à canaliser la nature humaine dans un sens "positif" (via les incitations, etc) et se servir de la nature humaine comme argument pour justifier le fait qu'il est inutile de vouloir changer la société. Lorsqu'il y a des problèmes au sein de la société, la droite ne tend à y voir que des fautes individuelles, le but de la société, du collectif, de l'Etat, n'étant que d'inciter l'individu à se reconnaître dans leurs objectifs traditionnels et de les protéger contre ses erreurs. Si on veut que les individus fassent le bien ou se comportent correctement, il faut qu'ils soient incités à le faire : c'est le fameux mécanisme de la carotte et du bâton, incarnés ici par le marché et la sanction pénale à l'époque moderne. Ce mécanisme permettrait de développer un bon niveau de vie chez les couches inférieures, sans perte pour les autres. Autrement, on laisse se propager le vice et la médiocrité au détriment de la compétence et des bonnes attitudes. 

Au contraire, la gauche, qui pense que la société devrait être adaptée aux individus, en prenant appui sur sa vision "optimiste" de l'homme, va plutôt agir au niveau collectif, modifier les structures mêmes de la société ; minimisant l'impact d'une nature humaine fixe, elle s'intéresse à ceux qu'elle considère comme les victimes injustes du système, pour les aider en amont. Lorsqu'il y a des problèmes au sein de la société, elle y voit la marque d'un système mal organisé, à refaçonner. Pour toutes ces raisons, c'est pourquoi elle se méfie de la culpabilisation et du tout répressif. Elle accorde moins d'importance aux écarts vis-à-vis des normes. Elle pense qu'il est possible d'agir sur des causes collectives, sociales, pour amoindrir (voire éradiquer) les problèmes auxquels la société est confrontée.

Voilà pour les principales différences, dans leurs grandes lignes.

On peut ainsi facilement expliquer pourquoi le clivage droite/gauche est resté assez cohérent à travers les époques et les différents pays : c'est parce qu'il oppose d'un côté ceux qui veulent conserver leur pouvoir, de l'autre ceux qui veulent redistribuer le pouvoir. C'est aussi pourquoi les coalitions de droite et de gauche ont généralement la même forme, quelque soit le pays : à droite, une alliance entre les milieux aisés et les couches conservatrices de la population, à gauche, une coalition de groupes opprimés menés par une avant-garde intellectuelle.

Attention toutefois, la division gauche/droite autour de ces dimensions n'est pas toujours parfaite : il existe évidemment des variations très importantes au niveau individuel, mais parfois, pour des raisons historiques et/ou sociologiques, il arrive qu'un parti classé à gauche puisse soutenir sur certains sujets des idées de droite, ou inversement. A long terme, cela peut créer une "dissonance", qui ne sera résolue que lorsque cet enjeu passera au premier plan, avec à la clé un réalignement des positions politiques à la sortie. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, les Démocrates ont perdu l'électorat blanc du Sud à la suite du mouvement pour les droits civiques, parce que les Noirs étaient plus proches du programme des Démocrates et que les Démocrates du Nord avaient un positionnement de centre-gauche qui favorisaient leur sympathie à l'égard du mouvement, qu'ils ont d'ailleurs accompagné sur le plan législatif fédéral, alors que de nombreux Républicains (pourtant parti héritier de Lincoln, celui qui a aboli l'esclavage) se sentaient rebutés par certaines des revendications du mouvement, qu'ils jugeaient peu cohérentes avec le reste de leur programme - c'est en particulier le cas de Barry Goldwater, candidat ultra-libéral pour la présidentielle de 1964 face à Lyndon Johnson, qui n'a quasiment récupéré que les Etats du Sud profond, alors que cette situation aurait été impensable quelques années avant.


En passant, cette vision générale de la différence gauche/droite permet aussi de couper court à la conception simpliste qui voudrait que la gauche soit "le collectif" tandis que la droite serait "l'individu". Outre les très nombreux contre-exemples qu'on peut trouver, notamment des courants de droite avec une forte conscience du collectif, on voit que pour la droite en général, la société est bonne en soi et que c'est pour cela qu'elle mérite d'être préservée (il y a bien certains ultra-libéraux qui pensent que la société n'existe pas, mais le plus souvent cela rejoint une vision de droite - la société n'existe pas, donc elle ne peut pas être modifiée - et très rarement une vision de gauche - la société n'existe pas, donc elle ne peut pas être préservée) ; à l'inverse, pour la gauche c'est l'individu qui est bon en soi, et c'est pourquoi celui-ci devrait être le moins possible "enchaîné" par la société telle qu'elle est, ses normes ou ses attentes.
Au final, c'est plutôt l'attitude par rapport au collectif qui distingue la gauche et la droite. La droite voit le collectif comme une structure génératrice d'ordre, à respecter, ou qui devrait être construite par les individus eux-mêmes plutôt que modifiée par le politique ; tandis que la gauche voit le collectif comme un potentiel à remodeler pour créer une société plus juste et égalitaire.

mercredi 27 mars 2013

Pétition de Allout pour le mariage pour tous

Comme vous le savez peut-être, je me suis déjà exprimé en faveur du mariage et de l'adoption pour tous sur ce blog-ci ou ailleurs sur Internet. C'est pourquoi je vous invite fortement à signer la pétition suivante, si ce n'est déjà fait :

https://www.allout.org/fr/actions/egalite_maintenant

Le sénat est actuellement détenu par une très courte majorité de gauche, et il pourrait y avoir des défections de certains sénateurs à cause de la mobilisation des anti-mariage pour tous qui n'a, hélas, pas faibli, et qui sort peut-être même renforcée de certains débordements médiatisés (qu'ils aient eu lieu ou non). Nos sénateurs, pour garder leur honneur, ne doivent cependant pas plier face aux gamineries d'une minorité bruyante, pilotée en sous-main par de riches donateurs conservateurs*.

A vrai dire, en y repensant, ce genre de démonstration m'étonne à plus d'un titre. Je suis étonné, et je ne pense pas être le seul, qu'une telle manifestation qui n'a pour motif que la peur de la différence puisse arrive à mobiliser au moins plusieurs centaines de milliers de personnes derrière elle ! Ces gens-là osent, en plus, parler carrément de printemps français, pour s'opposer à une réforme qui ne les concerne pas directement et ne leur retirera même absolument aucun droit ! Décidément, quand je vois ça, je me dis que le français de gauche n'a pas le monopole du type râleur, conservateur et hostile à toute réforme, loin de là, on dirait...

Je trouve aussi irresponsable d'emmener son enfant à une telle manifestation, où s'exprime de façon décomplexée le rejet des enfants issus des autres formes de famille. Que penseront-ils une fois que le mariage pour tous sera devenu monnaie courante, plus encore s'ils sont eux-mêmes homosexuels (ce qui est tout à fait possible) ? Cette attitude me choque bien plus qu'une famille homoparentale qui élèverait correctement son enfant dans le respect de l'autre et lui enseignerait un message d'amour et de compassion, comme est censée le faire toute bonne famille qui se respecte ! C'est pourquoi leurs injonctions au nom du droit de l'enfant sont tellement hypocrites, en réalité...

J'aurais un conseil à dire à ces manifestants : si vous aimez votre famille, n'emmerdez pas celle des autres. si votre idéal de la famille c'est un père, une mère et des enfants, rien ne vous l'empêche de le pratiquer. Mais penser qu'un couple est incapable d'élever correctement un enfant juste parce qu'il est constitué de deux personnes de même sexe, c'est de l'homophobie. Point.

J'aurais également un conseil à faire à l'opposition : s'il y a tant à critiquer dans la politique du gouvernement actuel, pourquoi vous acharnez-vous sur ce qui est probablement l'une des réformes les plus consensuelles qu'il est en train de mener jusqu'à présent ? Cela me rappelle l'un des odieux slogans de cette manifestation : "La France veut du boulot, pas le mariage homo" comme si ces deux idées étaient incompatibles entre elles. Elle ne le sont pas, et les français veulent encore majoritairement les deux !

C'est pourquoi il faut toujours faire circuler cette vidéo, qui tacle les faussetés et les préjugés de la "manif pour tous" sur l'homoparentalité :

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=z4WYDwaQo3g

La France, pays des Lumières, doit encore faire un effort pour porter haut et fort son idéal de Liberté, d'Egalité et de Fraternité, sans cesse menacé par les réactionnaires de tous bords, insensibles aux évolutions de la société. Le vrai printemps français, ce sera la marche vers davantage d'égalité, de respect, de compréhension, d'amour et de justice.

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*c'est ce qui est appelé astroturf aux Etats-Unis.

jeudi 21 mars 2013

Vidéo belge sur l'homoparentalité

A l'heure où la sinistre "manif pour tous" espère toujours envahir les Champs-Elysées avec leurs slogans d'un autre âge, il peut être utile de voir ce que les belges pensent à ce sujet :

https://www.youtube.com/watch?v=z4WYDwaQo3g&feature=player_embedded

dimanche 24 février 2013

Rappel sur la "ligne éditoriale" du blog

Le blog est progressivement en train d'être lancé, de part le "rapatriement" progressif de plusieurs de mes documents en rapport avec mes idées politiques.


Le blog pourra traiter de tous les sujets politiques possibles : le point de vue sera, tantôt celui d'un homme de gauche (ou qui aimerait tant être de gauche), tantôt celui d'un critique du clivage gauche-droite. Les positions de base qui sous-tendent le reste de l'argumentaire sont le rationalisme et le scepticisme.

La "ligne" qui y sera diffusée consistera à regarder le monde tel qu'il est, de façon rationnelle et critique. On posera les questions relatives au fait de savoir où aller et par où passer, lorsque l'on a pour objectif de créer une société plus avancée et égalitaire. C'est une "ligne" exigeante car elle ne fait pas appel au sacrifice de l'individu au service d'illusions ou d'une doctrine irrationnelle.

Le blog se fera l'écho d'idées rationalistes en sciences et en religion, diversement "progressistes" ou critiques en politique, et plus ou moins personnelles ailleurs.

Il y aura un article sur ma conception du clivage gauche-droite : ce que j'en pense, pourquoi je trouve qu'il est artificiel et réducteur. Loin des moralismes de droite et de gauche, j'explorerai la possibilité d'une politique "opportuniste", dépendante de notre stade d'avancement technique et d'intégration politique.




dimanche 10 février 2013

Blog "tu penses comme tout le monde"

Il s'agit d'un blog (tumblr) d'un ami sceptique, Olivier Chacornac, qui poste sous le pseudonyme de Poulpeman sur les forums sceptiques. Il se trouve ici : http://tu-penses-comme-tout-le-monde.tumblr.com/

Il est très orienté en faveur de l'anarchisme, certes, mais on y trouve des réflexions parfois assez intéressantes...

A la prochaine !

Théorie de la Justice, John Rawls



Théorie de la justice de John Rawls, publié en France aux éditions du Seuil, est un livre que j'ai acheté il y a déjà pas mal de temps (en pensant que j'allais faire une bonne affaire en achetant 11 € un livre de 600 pages écrites en petit...).

Pour commencer, John Rawls est un philosophe américain, qui a enseigné dans de nombreuses universités prestigieuses de la côte Est américaine (Princeton, Harvard, etc). Son oeuvre se centre sur le libéralisme politique - au sens américain - et l'idée de justice en particulier.

Dans Théorie de la Justice, qui restera comme l'un des ouvrages les plus commentés de la seconde moitié du vingtième siècle, il expose, comme son nom l'indique, sa conception de la justice.

Il voit ainsi la justice comme équité ("justice as fairness"), et, dans la tradition du contrat social, se base sur le concept de "position originelle", une abstraction où toutes les différences entre les hommes seraient effacées, et ceux-ci ne connaîtraient pas leur position réelle dans la société, cachés qu'ils sont derrière un "voile d'ignorance". Dans ces conditions, la conception d'une société juste adoptée par l'individu moyen devrait suivre le principe du "maximin", c'est-à-dire maximiser les perspectives des membres les moins fortunés.

Au bout du compte, deux principes de la justice seraient adoptés :
le principe d'égale liberté est le suivant : « Chaque personne a droit à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système de liberté pour tous », quant au second : « Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions : elles doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions d'égalité  équitable (fair) des chances (a), et elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société. (b, principe de différence) ».

Le premier principe couvre par exemple la liberté de participation politique, la liberté d'expression, de conscience, la possession personnelle et la protection contre l'arbitraire. De façon intéressante, ce premier principe ne couvre pas la propriété privée des moyens de production ni la liberté contractuelle. Au delà d'un niveau basique de développement économique, ce principe a la priorité sur le suivant.

Dans le deuxième principe, (a) a la priorité sur (b). L'égalité équitable des chances est une conception beaucoup plus exigeante de l'égalité des chances que celle utilisée généralement dans le débat courant. Il est aussi important de noter que d'après Rawls, on ne "mérite" pas ses dons naturels.

Rawls s'oppose par ailleurs à l'utilitarisme classique, qu'il considère comme excessivement conséquentialiste, voire machiavélien.

Le livre a été discuté et critiqué de tous bords, ce qui devrait suffire à vous faire comprendre l'influence qu'il a eu dans le débat à ce niveau-là. A noter qu'il existe des interprétations très diverses de Rawls, et qu'on l'a placé aussi bien à l'extrême-gauche qu'au centre-droit.

Je tiens à vous prévenir toutefois : le livre en lui-même est intéressant, mais il est très dense, et est à réserver aux purs fans de philosophie et/ou de politique qui au moins quelques notions des deux, ou même d'économie. Ou à ceux qui font des études de philosophie politique, ce qui est logique.

L'ouvrage a été traduit par Catherine Audard, qui avec Monique Canto-Sperber est l'une des principales figures du libéralisme social français. Je possède d'ailleurs son livre sur le libéralisme, et il est intéressant, loin des clichés répandus par les uns et les autres.


La gauche est-elle en état de mort cérébrale ?



J''ai finalement acheté le petit livre La gauche est-elle en état de mort cérébrale ? de Philippe Corcuff, sociologue français qui milite depuis longtemps à gauche, aux éditions Textuel.

Sans lien direct avec les thématiques de ce blog, ce livre contient à mon avis des idées intéressantes, à la fois - indirectement - pour critiquer le discours de certains psychanalystes  (je pourrais faire un article dessus, d'ailleurs), et se débarrasser de modes de pensée d'une "gauche radicale" stéréotypée, donc indirectement, critiquer des raisonnements "défectueux".
La thèse de l'auteur est que la gauche française a gagné alors qu'elle était intellectuellement moribonde. Cela peut sembler paradoxal avec le développement des think tanks et autres cercles de réflexion, mais d'après lui, ceux-ci ne sont que des symptômes de la professionnalisation et technocratisation de la politique, droite comme gauche, qui a abandonné toute vision globale et cohérente.

Après une très courte partie I, sorte de liaison entre l'introduction et le reste, l'auteur détaille en partie II les penchants qui l'irritent dans la gauche radicale française actuelle. Les principaux :

la tendance au complotisme : passage assez pertinent (vous le savez sûrement déjà, mais les théories du complot n'existent pas qu'à l'extrême droite). Je ne vous cache pas que c'est quelque chose qui tend aussi à m'agacer, dans la gauche radicale actuelle. Visiblement, l'auteur est critique vis-à-vis des positions politiques de Chomsky, qu'il décrit comme étant à la limite du complotisme, voire incarnant un complotisme "soft" (qu'il oppose au complotisme "hard", le négationnisme par exemple).
Bien que l'auteur, en opposition, mette évidemment l'accent sur les logiques "impersonnelles", institutionnelles et sociales, qu'il essaie de mettre en avant, cela ne l'empêche pas de garder un rôle à l'intentionnalité. C'est une vision dans laquelle je me reconnais assez.

l'essentialisme : ici, l'auteur dénonce l'emploi de termes qui renvoient à des généralités, dans les deux sens du terme. Il critique les positions de Caroline Fourest et d'autres, qu'il juge "laïcardes", critiques vis-à-vis de l' "Islam" en ignorant les multiples réalités que recouvre ce terme. C'est un point qui est peu développé ici. Dans un autre passage plus réveillant pour moi, il critique aussi les positions-"miroirs" de Terra Nova et de sa rivale Gauche Populaire, qui selon lui oublient que le terme "populaire" recouvre des réalités diverses.
Bref, le chapitre oscille entre conseils de très bon aloi et d'autres peut-être plus critiquables, selon la sensibilité de chacun, mais reste intéressant et pertinent tout du long.

- la tendance à privilégier le politique par rapport à l'expérimentation sociétale : je reproche souvent en effet à la gauche radicale de vouloir faire la révolution sans savoir où elle va, en pensant que le processus révolutionnaire engendrerait des conditions qui se dépasseraient d'elles-mêmes. On a pu voir par le passé où cet état d'esprit nous a mené (même s'il est vrai qu'on est plus modéré qu'autrefois).
Contre cela, Corcuff réhabilite l'expérimentation sociale, et je suis plutôt d'accord. La fin de ce court chapitre aborde de façon pertinente le langage, même si j'ai quelques réserves.

le collectivisme : un point intéressant. Corcuff rappelle que la gauche est historiquement individualiste et il critique l'anti-individualisme primaire d'une partie de la gauche radicale. A notre époque hautement individualiste, la gauche devrait nourrir un individualisme positif plutôt que de sans arrêt critiquer l' "individualisme".

La partie III est consacrée aux impensés de la gauche, on y aborde le rapport au temps, la décroissance, la professionnalisation de la politique, les "laïcards", le rapport aux médias...
Plus inégal, à vrai dire. Selon moi, Corcuff a raison de dénoncer la tentation de la nostalgie et de l' "avant-gardisme léniniste" (tendance un peu paternaliste qui consiste à croire qu'on connaît mieux le bien des opprimés qu'eux-mêmes), mais il faut faire le tri sinon. Parfois, on a même l'impression qu'il se contredit*.
J'ai des réserves sur sa critique de la technocratie (mais je la trouve pertinente pour dénoncer le risque d'une nouvelle dérive bureaucratique) : selon moi, la politique n'est pas qu'une affaire d'opinions, mais aussi de compétences, et ainsi il n'est pas inutile de créer des petits groupes d'experts par thématique, tout dépend comment c'est organisé. Mais il a raison de souligner que le système politique devrait être repensé pour éviter la professionnalisation à outrance.

En résumé, c'est un petit livre qui se lit vite. Si vous êtes de gauche, quelque soit votre sensibilité, je vous invite à le lire, juste histoire de vous faire une opinion et peut-être de le critiquer sur un point ou un autre.

*Par exemple, il soutient la discrimination positive, ce qui me semble en contradiction avec sa dénonciation de l'essentialisme.

Mon progressisme (2)

(Suite du précédent article, rapatrié de http://ineakis.blogspot.fr/)

Précédemment, j'avais parlé du caractère un peu paradoxal de ce que je vois comme mon progressisme.

Depuis, j'ai un peu réfléchi à ce sujet.
D'une part, je vois le progressisme comme étant l'antonyme logique du conservatisme. Pour moi, le conservatisme ne se définit pas que par le refus du changement, c'est aussi et avant tout le fait de vouloir garder (ou retrouver) un mode de fonctionnement politique correspondant à un certain mode de pensée, quand bien même celui-ci serait ancien, archaïque, et inadapté aux évolutions du monde et de la société. On pourrait appeler cela le "conservatisme de système", à distinguer d'un idéal de préservation plus général, sur lequel tout le monde pourrait se mettre d'accord. En réalité, les deux notions se trouvent le plus souvent en opposition l'une à l'autre.

Par contraste, le progressisme ne se définirait pas que par la volonté de changement, mais serait aussi la volonté de chercher, de s'intéresser même de loin à de nouveaux modes de pensée et/ou d'action, afin de pouvoir modifier notre mode de fonctionnement et/ou d'action politique lorsque celui-ci s'avère inadapté.

Mais dans ce cas, comment faire le tri ?

Pour moi la réponse est simple : le progressisme que je défends est un mouvement qui se fixe la justice (au sens de l'Idée de justice d'Amartya Sen, par exemple) comme but final, utilise la raison pour comprendre le monde, et cherche le moins possible à augmenter les injustices dans la poursuite de ses objectifs.

Cela peut sembler tout à fait raisonnable comme approche et comme définition, mais cela permet d'écarter un certain nombre de positions qui se disent progressistes, mais qui ne le sont pas vraiment.

Qu'en pensez-vous ?

Mon progressisme


(Article rapatrié de http://ineakis.blogspot.fr/)

Sur le plan politique, le label dont je me sens le plus proche (ou le moins en désaccord, on va dire) est celui de "progressiste", au sens où ce terme est généralement compris aujourd'hui.

Le paradoxe, en fait, c'est que je ne crois pas vraiment au "progrès" politique et social, dans l'absolu, car il y a toujours une part de subjectivité qui est liée à sa perception, selon les points de vue, les cultures, et autres facteurs. Bien sûr, je crois au progrès technique et scientifique - défini par la création de techniques suite à des découvertes scientifiques qui améliorent le bien-être* - mais c'est une notion relativement consensuelle dans notre monde occidental, et critiquée quasi-uniquement par certains post-modernes, des primitivistes et  écologistes caricaturaux, qui se situent eux-mêmes souvent à l'extrême-gauche de l'espace politique de nos jours, d'ailleurs.

Cependant, j'espère aussi éviter l'écueil de ce qu'on appelle le scientisme au sens le plus péjoratif du terme, entendu comme une confiance excessive accordée à la science, qui consistent à l'étendre dans des domaines qui ne lui appartiennent pas et à lui attribuer des pouvoirs qu'elle n'a pas, par exemple en la considérant comme seule source de réponses concernant les questions éthiques et philosophiques. Le scientisme "modéré", au sens de considérer la science comme seule source de connaissance valable, me semble en revanche très défendable, bien que je comprenne que certains le critiquent. Je suis partagé sur la façon dont le blogueur Massimo Pigliucci entend ce terme, en tout cas.

Reste que je suis "progressiste" dans le sens où je pense qu'il faut dépasser la "tradition", notamment lorsque celle-ci s'oppose à l'évolution de la société et piétine les libertés réelles des individus et la justice, dont ma conception se rapproche de celle de John Rawls et Amartya Sen, penseurs très connus dans le monde anglophone.

Je suis aussi ouvert à l'évolution du monde autour de moi, et ne regrette pas le passé (c'est un peu facile, vous me direz, parce que je suis jeune, mais je connais d'autres jeunes qui, pour une raison ou pour une autre, sont beaucoup plus réac que moi !).

Par ailleurs, je désire me baser sur une approche de la politique qui se veut assez rationnelle ; même si en même temps, je suis pragmatique et plutôt réformiste vis-à-vis de la démocratie, dans l'ensemble, et  préfère les réformes pas-à-pas aux révolutions violentes, sauf lorsque cela est vraiment nécessaire (pour se débarrasser d'un régime totalitaire par exemple ; et même là, on n'est pas sûr à 100 % que le régime que l'on mettra en place sera meilleur) .

J'écrirai peut-être un autre post sur le sujet pour détailler plus en détail mon point de vue, en relation avec les thématiques de ce blog.

*En fait, j'entends à peu près par progrès technique et scientifique ce qu'Axel Kahn appelle tout simplement le progrès : "Le progrès est la mobilisation de l'intelligence et de la créativité pour produire des connaissances et des techniques, et générer des richesses dans un but humaniste". L'aspect humaniste reste important en effet, même quand on parle de progrès technique et scientifique,car je ne considère pas la bombe atomique comme étant un progrès...

samedi 9 février 2013

Bienvenue sur le blog

Ce blog sera consacré à l'expression de mes idées politiques, je reviendrai également sur mes expériences avec la politique le cas échéant. J'essaie malgré tout de sortir des sentiers battus : en effet, je trouve le monde politique français - en général - sclérosé, dogmatique, idéologiquement arc-bouté sur certaines positions plus que critiquables (qui ne sont pas les mêmes selon les courants, mais qui sont toujours là) et/ou incapable de s'adapter aux évolutions de la société.

Malgré ma proximité avec le PS, je ne me reconnais véritablement dans aucun des grands partis français actuellement, en tout cas tels qu'incarnés par leurs dirigeants. Je suis aussi profondément déçu par l'exécutif actuel et l'attitude quasiment incohérente de certains de ses membres.

En complément de mon autre blog déjà existant, ce blog-ci abordera les questions politiques d'un point de vue plus général et pas uniquement sur les thèmes liés de près ou de loin à la bioéthique. J'espère y diffuser un regard plus neuf, qui s'écarte des modes de raisonnement les plus courants à l'heure actuelle, y compris parmi nos dirigeants les plus hauts-placés.

Avant d'y écrire de nouveaux articles, je commencerai par y rapatrier certains articles de http://ineakis.blogspot.fr/ en rapport avec la politique.

J'y posterais également des liens vers des sites de politique ou d'économie, et d'autres articles concernant des idées pour améliorer ou rendre plus juste le fonctionnement du système politique et/ou économique.